Il y a précisément sept ans, lors d’un pèlerinage où je m’étais laissé inviter par curiosité, j’ai vécu une expérience spirituelle absolument inattendue : un profond réenracinement dans ma foi chrétienne, une sorte de renaissance intérieure.
Deux ans plus tard, j’ai traversé une autre conversion, écologique celle-là : j’ai pris conscience du changement radical que notre humanité devait opérer si elle voulait simplement espérer survivre. Et je vivais ces deux conversions, écologique et spirituelle, comme les deux faces d’une même pièce. Après avoir reçu en plein cœur l’amour du Créateur, je prenais la mesure de l’immensité de notre manquement à cet amour dans notre rapport avec l’ensemble du vivant, humain et autre qu’humain.
Cette double conversion a donné lieu à divers fruits, comme tout récemment la réalisation de la série de vidéos, Des Arbres qui marchent[1], où j’ai pu mettre en cohérence mes compétences de réalisateur et ma conscience d’humain et de chrétien. Mais bien avant cela, dans un même besoin de cohérence, j’ai eu le désir de faire converger ma vie spirituelle et ma conscience écologique. Parfois, reconnaissons-le, la pratique religieuse peut avoir des allures de refuge confortable qui contribue au déni et à l’aveuglement : on prie en fermant les yeux, en confiant tout à Dieu, mais sans plus regarder vraiment le monde ni les autres. Pour enraciner ma prière dans le réel, et – réciproquement – mon engagement dans la prière, je me suis mis à rédiger des méditations, inspirées du Cantique des créatures de St François et de l’encyclique Laudato Si [2]: une Demande de pardon pour les torts causés à la Création et surtout un Rosaire pour la Création.
Réciter des Je vous salue, Marie pour sauver la planète ? Une idée pour le moins atypique. Longtemps, j’ai vu la prière du chapelet comme une pratique désuète qui ne me parlait pas. Mais, avec ma conversion, j’avais découvert sa puissance et j’ai eu le désir de l’activer aussi pour ma conversion écologique. Le Rosaire, on le sait, nous propose de contempler, avec le regard de Marie, les grands évènements de la vie de Jésus et/ou de sa mère : les fameux vingt mystères. Dans cette méditation-ci, je me suis offert une double contemplation, un aller-retour en miroir : partir de la vie de Marie et de Jésus pour élargir ma vision à la Création tout entière qui « gémit dans les douleurs d’un enfantement qui dure encore »[3] (avec, semble-t-il ces derniers temps, une accélération du rythme des contractions).
J’écoute comment les Mystères du Rosaire font écho aux mystères de l’univers, de la planète et du vivant, et ça m’aide à changer de regard et à me relier au désir de vie :
- Avec les mystères joyeux, je m’émerveille des miracles du cosmos infini, du firmament, des astres et de la planète Terre, notre fragile « maison commune ».
- À travers les mystères lumineux, je fais mémoire des quatre éléments qui habitent la Création terrestre et rendent possible la vie. Je loue pour la beauté et la diversité des milieux, des paysages et des formes de vie, animales et végétales.
- En lien avec les mystères douloureux, très incarnés, je contemple la beauté des dons faits par le Créateur à l’humanité : la fraternité, la liberté, l’intelligence du cœur, la complémentarité du masculin et du féminin, l’amour.
- Et en terminant avec les mystères glorieux, je rends hommage à la vie, l’équilibre, la diversité dans l’unité, mais aussi à notre sœur la mort que chantait saint François.
Chaque méditation est construite sur les trois piliers fondamentaux de la prière : merci – pardon – s’il te plait. Elle combine donc un élan de louange, un élan de repentance pour les torts causés à la création et un élan de désir de conversion, par l’intercession de Marie. C’est chaque fois comme une clé de lecture pour découvrir dans le créé le Christ vivant, souffrant et salvateur. Et j’y explore à chaque fois, à travers la force du pardon, la puissante capacité de transformer la culpabilité paralysante en un élan de vie.
Les Éditions des Béatitudes ont eu connaissance de ces textes et m’ont proposé de les éditer. C’était inattendu. Et dérangeant. Révéler comment on prie, c’est un peu impudique. C’est aussi délicat pour l’humilité : qui suis-je pour proposer des « mots pour prier », moi qui me sens si faible dans ce domaine ? Mais comme j’ai pris goût à être dérangé par l’Esprit, je me suis laissé faire.
Et me voilà avec mon nom sur un livre intitulé Prières pour la Création : un recueil qui contient aussi quelques autres prières courtes comme un acte de consécration écologique à Marie, une prière de louange rédigée par le théologien William Clapier, une prière du pape François et, pour mémoire, l’incontournable Cantique des Créatures. J’ai aussi la joie fraternelle que l’ouvrage soit préfacé par un jeune éco-théologien protestant, le brillant Martin Kopp.
Un autre cadeau pour moi, c’est que, dans cette forme éditée, chaque prière et chaque mystère du Rosaire sont illustrés par une photo qui porte à la contemplation et à la louange. Cela donne un parcours qu’on peut aussi méditer indépendamment de la pratique du chapelet. J’espère que ce petit livre pourra humblement contribuer à la conversion écologique des chrétiens – et pourquoi pas d’autres – comme nous y incite instamment le Pape et comme le réclame toute notre maison commune.
Pour plus d’infos et se procurer le livre: https://beatitudes.org/prieres-pour-la-creation/
Pierre-Paul Renders
[1] www.desarbresquimarchent.com
[2] Clin d’œil : un jour de 2018, j’ai appris que c’était exactement la semaine de ma première conversion, à l’Ascension 2015, que le pape François avait publié Laudato Si.
[3] Romains 8, 22.